Monsieur Schedler, l’institut d’assurance sociale du canton de Saint-Gall a été l’une des premières administrations en Suisse a installer un chatbot. Quand ne parlerons-nous plus qu’avec des chatbots lors dans nos relations avec l’administration?
Kuno Schedler: L’utilisation exclusive de chatbots ne se produira jamais. Ils servent juste à remplacer les processus de routine; plus ces derniers seront longs, plus ils devront être laissés aux algorithmes. Nos besoins de contact personnel avec l’administration demeurent. Toutefois, les attentes par rapport aux collaborateurs augmenteront, car nous partons du principe qu’ils auront plus de temps à nous consacrer du fait de l’absence de processus de routine.
Les chatbots ne constituent qu’une petite partie de l’administration intelligente. À quoi ressemblera l’administration de demain?
Schedler: À l’avenir, tout ce qui est standardisé ne sera plus géré par l'humain. L’administration deviendra ainsi plus ouverte et plus accessible, mais aussi plus exigeante pour les personnes qui y travaillent. Il n’y aura pas moins de personnel, les tâches seront juste différentes. Le contact humain doit être revalorisé. C’est un grand défi.
Quel est l’horizon temporel pour ces évolutions selon vous?
Schedler: C’est difficile à dire. Pour la cyberadministration, je croyais que nous pourrions réaliser la migration dans un délai de deux ans pour toute la Suisse. C’était il y a 18 ans... Or le passage à électronique n’est actuellement pas encore possible partout. J’espère qu’avec de tels chatbots, des solutions intelligentes pourront être trouvées plus rapidement. Cependant, il y en a encore pour 10 à 15 ans avant que tous les processus de routine puissent être pris en charge par des algorithmes.
Où en sommes-nous en Suisse?
Schedler: Nous n’en sommes encore qu’au tout début. En ce qui concerne l’infrastructure, certaines villes en ont une, comme par exemple Saint-Gall, qui recueille des données avec le parking électronique, avec les compteurs intelligents ou avec les mesures de niveaux de remplissage, fournissant ainsi un travail préparatoire important. Contrairement à la cyberadministration, dans laquelle des processus analogiques sont transformés en processus numériques, l’administration intelligente porte sur la question de quelle façon les données des citoyennes et des citoyens peuvent être recueillies, exploitées et associées, afin de créer de meilleures prestations de services.
Quels sont les défis auxquels seront confrontés les prestataires de services et les fournisseurs informatiques des pouvoirs publics?
Schedler: Ils doivent garantir un traitement des données extrêmement sérieux. C’est précisément pour tout ce qui est lié à l’État que les gens veulent être sûrs à 100 pour cent que leurs données seront traitées avec soin. En outre, ils doivent soutenir les administrations dans le changement de mentalité, tout en étant eux-mêmes créatifs.
A propos de la personne
Prof. Dr Kuno Schedler est vice-recteur, professeur titulaire de gestion d’entreprise avec une attention particulière accordée à la gestion publique, et directeur à l’Institut für Systemisches Management und Public Governance de l’Université de Saint-Gall. Dans ces activités, il se consacre notamment aux défis qu’implique la numérisation pour les administrations publiques.
Qu’est-ce que cela signifie pour la société Abraxas?
Schedler: Un défi culturel parce que, jusqu’ici, il n’était pas nécessaire qu’elle soit aussi créative et qu’elle garantissait surtout la stabilité . Pour ce nouveau monde orienté sur le service, elle a besoin de conseillers en matière d'innovation qui accompagnent leurs clients sans avoir peur de l’avenir intelligent.
L’administration intelligente est-elle vraiment compatible avec la culture organisationnelle de l’administration?
Schedler: En partie seulement. L’administration n’est pas formée pour imaginer ses prestations à partir de l’expérience client, ce qu’on appelle «customer experience». Elle est souvent trop enfermée dans les règlements et les processus existants. Des équipes créatives doivent remodeler – avec de nouvelles approches en matière de design – le bénéfice pour les habitantes et les habitants. Elles ont besoin d’aide pour ce faire, pas de la part du service informatique, mais de la part de spécialistes de la numérisation et de l’innovation.
La conception suisse de la protection des données est-elle compatible avec l’administration intelligente?
Schedler: Oui dans une large mesure, mais il y a toujours des dispositions qui ne sont plus au goût du jour; il existe par exemple encore des sapeurs-pompiers qui ne sont pas autorisés à fournir leurs données aux assurances bâtiment. C’est absurde et un changement doit intervenir le plus rapidement possible.