Ces dernières années montrent clairement que si l’intelligence artificielle (IA) a le potentiel de transformer fondamentalement l’administration publique en Suisse et dans le monde, elle représente un défi en termes d’utilisation et de gouvernance en raison de ses multiples facettes (données, algorithmes, éthique, transparence, etc.).
Gouvernance de l’IA : course contre la montre
l’IA a déjà atteint un degré de maturité à la fin de la dernière décennie, ce qui la rend intéressante pour les entreprises et les administrations publiques. Souvent, les technologies s’imposent plus rapidement que les instruments qui régissent et contrôlent leur utilisation. L’IA ne fait pas exception à la règle, même si les choses ont évolué en Suisse au cours de ces dernières années. En mai 2020 déjà, le Conseil fédéral avait créé un Centre de compétences en science des données (DSCC) afin de promouvoir l’aide à la décision basée sur des données et, en décembre 2020, il avait adopté des lignes directrices pour l’IA de la Confédération. Conscient des multiples facettes de l’IA, il a ensuite créé un Réseau de compétences en intelligence artificielle (CNAI) qui favorise la coordination au sein de l’administration publique. La nouvelle accessibilité aux outils d’IA générative fin 2022 a renforcé la prise de conscience générale des enjeux à venir. Dans la planification de la législature 2023-2027, un nouvel objectif IA comprenant deux mesures visant à renforcer le pilotage a été fixé. L’une aborde la question des bases légales, l’autre celle de la gouvernance et du développement de l’IA dans l’administration fédérale.
Conditions-cadres et applications pratiques
les travaux concrets des années 2022 et 2023 se sont concentrés sur deux priorités : premièrement, sur une approche top-down visant à créer les conditions-cadres pour l’utilisation de l’IA. Ainsi, en décembre 2022, le Conseil fédéral a adopté une stratégie pour la science des données qui met l’accent sur une utilisation centrée sur l’humain et digne de confiance. D’autres documents ont été publiés en novembre 2023 : un code de conduite de la Confédération pour une science des données (et une IA) centrée sur l’être humain et digne de confiance et un rapport sur des cas d’application concrets de la science des données (et de l’IA) pour le bien commun tout au long du processus d’élaborations politiques. Deuxièmement, une approche bottom-up visant à laisser aux unités administratives le soin de lancer des projets d’IA en fonction de leurs propres besoins et d’en tirer des enseignements. Ces projets sont répertoriés dans la base de données du CNAI.
En résumé, grâce à une planification stratégique, une gouvernance solide et une attention particulière portée aux considérations éthiques, la Suisse est bien placée pour exploiter de manière ciblée le potentiel de l’IA pour la population et les entreprises dans le cadre de son utilisation au sein de l’administration.
A propos Georges-Simon Ulrich
Le professeur Georges-Simon Ulrich est directeur de l’Office fédéral de la statistique (OFS) depuis le 1er octobre 2013. Entre 1992 et 2010, M. Ulrich a été entrepreneur et a occupé diverses positions dirigeantes dans le domaine des études de marché, de la recherche sociale et des sondages. Titulaire d’un doctorat en économie d’entreprise, il enseigne les méthodes de recherche et le management stratégique à la HWZ et représente la Suisse pour les missions de l’OFS auprès d’Eurostat, de l’OCDE, de l’AELE et de l’ONU.